Editorial
En général solide
"It is not advisable to use sea water as the salt in the sea
water is harmful to concrete" (Il n'est pas conseillé d'utiliser de l'eau de mer,
car le sel de l'eau de mer est dommageable pour le béton): c'est le conseil plein de bon sens
que nous avons trouvé dans une encyclopédie britannique du bricolage, et il faut bien le dire
la seule allusion directe à une telle préparation du béton que nous ayons rencontrée au cours
de notre enquête. Nos questions ont laissé perplexes les spécialistes consultés, et lors de nos
appels, nous devinions un froncement de sourcil incrédule sur le visage de nos interlocuteurs,
en même temps qu'un gros point d'interrogation au-dessus de leurs têtes. Nous avons beaucoup
appris sur les dégâts dûs au sel de déneigement sur les ponts autoroutiers du Saskatchewan
(entre autres), mais de préparation de béton à l'eau de mer, point: comme si quelqu'un pouvait
avoir une idée pareille !
Il convient de relativiser: seuls les immeubles construits dans un certains nombre de communes
très disséminées, ou région de ces communes, et qui ont été cimentés en été des années
citées, peuvent présenter des défauts. Et même avec ces défauts ils sont sûrs, si ceux-ci
ont été constatés et réparés à temps. De petits tremblements de terre secouent à intervalles
réguliers les côtes valenciennes et andalouses, et à notre connaissance, aucun immeuble ne s'est
effondré de ce fait. Tout au plus ces secousses jouent-elles le rôle de révélateur du problème.
A l'heure d'acheter, si vous suivez ces conseils, vous devriez éviter une si fâcheuse surprise.
C'est particulièrement recommandé lors de l'achat d'un appartement: vous devez vous faire
montrer les parties visibles des fondations (exemple: le local des compteurs), car vous vous
apprêtez à devenir co-propriétaire de ces parties-là également. Et en cas de gros problème, la
co-propriété à généralement beaucoup de peine à se mettre d'accord sur les frais à engager, et
encore plus à faire payer les récalcitrants.
J. Gaillard
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Construction: des effritements dûs à
Un béton à l'eau de mer
Construits en période de sécheresse avec de l'eau tirée
d'une nappe phréatique riche en eau de mer, certains immeubles présentent des défectuosités
rapidement visibles. Sont-elles dangereuses ? Dossier.
"Oui, ces blocs ont été construits pendant la sècheresse de
l'été 1986. C'est l'origine des fissures que vous avez vues." Telle a été la réponse d'une
habitante de la Costa-Blanca, avec qui nous commentions la visite d'un appartement dont l'aspect
nous avait un peu surpris.
Le chemin de l'eau
Sur la côte méditerranéenne, l'eau du robinet provient soit des très nombreux barrages installés
sur des cours d'eau parfois relativement éloignés, soit d'usines de dessalement de l'eau de mer,
soit de la nappe phréatique. Dans ce dernier cas, et en période de sécheresse importante, la
nappe phréatique est envahie par l'eau de mer. La proportion de cette dernière, dans l'eau du
robinet, peut atteindre trois quarts d'eau de mer pour seulement un quart d'une eau qui n'est
même plus douce, car souillée par de fortes concentrations de nitrates (utilisés dans
l'agriculture). Inutile de dire que cette eau n'est pas potable. Mais pour faire du béton, il
faut de l'eau, et les constructeurs prennent celle qu'ils trouvent.
Deux types de béton
En construction, on distingue deux usages du béton: le ciment de remplissage pour, par exemple,
assembler des briques ou construire un mur de contention, et le béton armé destiné à former la
charpente d'un édifice ou d'un ouvrage d'art. On distingue aussi deux types de problèmes.
Des taches…
Les spécialistes consultés sont unanimes: le cas du béton de remplissage n'est pas trop grave:
le béton contient par nature certains sels, et dans le passé, on utilisait parfois le sel pour
accélérer la prise du béton, quoi qu'aujourd'hui, les spécialistes préfèrent recourir au chlorure
de calcium (un des sels de déneigement des routes ndr.). Les dégâts constatables relèvent surtout
de l'apparition de taches ou d'auréoles, qui ont tendance à transparaître sur le revêtement
utilisé: papiers peints sur plâtre, ou crépis, par exemple. Dans ces cas, il est recommandé
d'utiliser des revêtements synthétiques, comportant une couche de produit étanche à l'eau.
Selon Danko Linder, architecte suisse établi à Madrid, "la résistance de ce béton n'est en
aucun cas affectée"; mais il admet tout de même que lui n'utiliserait pas l'eau de mer pour
préparer son béton, fût-il de remplissage. "Un tel immeuble "vieillit" en vingt ans au lieu
de cinquante à soixante" précise l'architecte.
…et des chutes de ciment
Le cas du béton armé est plus grave: le sel attaque l'armature du béton et celle-ci perd sa
résistance. Dans le cas de ferraillages disposés près de la surface, des effritements apparaissent
après quelques années déjà, et le phénomène s'aggrave avec l'humidité ambiante (importante en bord
de mer). Celle-ci maintient le sel dans un état constamment humide, et donc particulièrement corrosif.
Selon Rodolfo Soler, ingénieur des ponts et chaussées à Valence, le danger de voir un immeuble
construit dans de telles conditions s'effondrer sans prévenir sur ses habitants est pratiquement
nul: les défectuosités du béton apparaissent clairement, avant d'être dangereuses, même en cas
de secousse sismique modérée, "à condition bien sûr que les autres paramètres de sécurité
(proportions du mélange) soient respectés" ajoute-t-il.
Lui aussi précise qu'il est évident qu'un immeuble ainsi construit "vieillit" beaucoup plus
rapidement qu'un autre, que ce soit en raison des défauts de structures, ou de l'apparence des
parois qui, quelque soit l'enduit utilisé, prennent vite un aspect "sale".
Des sulfates
Enfin, selon des chercheurs canadiens (note ci-dessous), l'eau
de mer présente une teneur en sulfates relativement importante. Ceux-ci pourraient également
altérer la résistance du béton, particulièrement lorsqu'il est par la suite exposé à l'humidité.
Rafistolages
Encore faut-il, en cas d'apparitions de ces signes de vieillissement, prendre les mesures
adéquates, à la fois compliquées et relativement coûteuses: nettoyage de la zone attaquée,
remplacement d'une structure, etc. Et il existe malheureusement des solutions inadéquates:
recouvrir les parois de l'immeuble de plaques préfabriquées du plus bel effet, mais sans
influence sur la maladie.
Reconnaître le danger
Les signes précurseurs de problèmes sont les suivants: plaques (petites ou grandes) de béton
tombées de piliers et laissant apparaître un ferrage à nu; fissures d'où s'échappent des trainées
de rouille; parois à nu montrant de vastes taches sèches. Si l'immeuble comporte un souterrain
(caves, garages, etc.) l'inspection de ceux-ci, est particulièrement révélatrice.
Un risque limité
Il convient de relativiser le risque. Celui-ci n'est manifeste que dans les régions alimentées
exclusivement par la nappe phréatique, et frappées de sécheresse au moment où les
fondations ou les structures de l'immeuble ont été cimentées: les périodes les moins favorables
à cet égard ont été les étés de 1984 et 1985, ainsi que celui de 1999. Les communes concernées
sont dispersées de manière isolée tout au long de la côte espagnole, à partir de Tarragone en
direction du sud.
En sont exclues entre autres: les régions de delta (Ebre, Segura); les communes proches de
villes importantes; pratiquement tout le sud de la province d'Alicante; la province de Murcie.
Le plus sûr moyen de savoir si on est dans une commune à risque est encore d'interroger les
voisins: ceux qui ont eu droit à de l'eau saumâtre l'année dernière s'en souviennent encore.
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