Publication: 20 mai 2007
Question de Madame C. domiciliée dans un territoire français d'outre-mer (vraiment très loin):
Je ne suis pas un spécialiste du cas que vous exposez, mais voici une réponse dans les grandes lignes, et quelques commentaires.
En principe, c'est le droit successoral du dernier lieu de domicile du défunt qui s'applique, indépendamment du lieu de situation des biens hérités. Ce ne sera donc pas forcément le droit successoral espagnol, sauf si ce pays constituait le dernier lieu de domicile officiel de vos parents.
A cet égard, il est très rare que les deux parents décèdent simultanément. Même en cas d'accident, il arrive que le décès du premier conjoint soit constaté sur le lieu de l'accident, et le second conjoint décède "pendant son transfert à l'hôpital" comme le dit la formule consacrée.
Selon le pays dont le droit successoral s'applique, cette simple formulation des faits peut avoir une influence sur le déroulement de la procédure, dans la mesure où les droits de succession du survivant (même si cela n'a été que pendant vingt minutes) en concours avec les descendants doivent avoir été enregistrés avant d'ouvrir la procédure successorale relative au second décès.
Il importe donc que la succession de celui de vos parents qui est pré-décédé ait été liquidée (y compris aux yeux de l'administration espagnole) avant de passer à la répartition de votre propre héritage.
Devant tant de complications, vous comprendrez que, lorsque la succession se liquide hors d'Espagne, l'administration espagnole souhaite juste enregistrer les droits acquis à l'étranger par les héritiers.
(Nda.: j'ignorais dans un premier temps le nombre d'héritiers et ai fait une réponse générale, d'où l'utilisation du singulier dans un partie de la réponse qui suit)
Vous devez faire reconnaître votre qualité d'héritière en Espagne, puis vous faire inscrire en tant que propriétaire de ce bien auprès du Registre foncier compétent. L'idéal serait évidemment que feu vos parents aient déposé un testament en votre faveur auprès d'un notaire espagnol.
En l'absence d'un tel document, et dans la mesure où le droit successoral applicable est celui de la France (ce que j'ignore), vous devrez:
Dans le cadre de ce processus, devrez vous faire établir un "N.I.E." (numéro d'identité de l'étranger) espagnol. Ce document, qui ne coûte pas cher et n'oblige strictement à rien, est à demander personnellement (impossible de vous faire représenter) soit auprès de la Police nationale en Espagne (formalité rapide), soit auprès du consulat espagnol ayant juridiction pour votre territoire dans le Pacifique, et là, le délai de livraison peut atteindre plusieurs mois.
Cette requête exige que vous vous présentiez physiquement au moins une fois auprès de l'autorité compétente. En outre, si vous êtes mariée et en fonction du droit sous l'empire duquel vous vous êtes mariée, il se peut que votre conjoint ait aussi besoin d'un N.I.E.
Je vous recommande aussi de prévoir au moins deux séjours de dix à quinze jours en Espagne pour faire avancer le dossier, espacés de plusieurs mois, en évitant la période allant de début juin à fin septembre environ.
Par ailleurs, il sera utile que vous sachiez où se trouve le Consulat espagnol compétent pour votre lieu de domicile. J'imagine que vous pouvez le demander (en français) auprès du Consulat général d'Espagne à Paris, e-mail: cgesp.paris@mail.mae.esou info@cgesparis.org. Il se peut que vous deviez utiliser une autre adresse de courriel, il arrive qu'elles changent. Vous en trouverez la liste complète sur cette page.
Bien entendu, les six co-héritiers auront la possibilité de se faire représenter par une seule personne (l'un d'eux, ou un tiers domicilié en Espagne), mais… seulement après avoir apporté la preuve de leur qualité d'héritier, c'est-à-dire du fait qu'ils ont le droit de participer à la désignation de ce tiers. Ils devront donc tous les six faire constater leurs droits, en Espagne ou auprès de la représentation consulaire compétente.
Puis ils pourront désigner leur représentant. Au moins ce représentant aura besoin du N.I.E. mentionné auparavant. Pour les autres, je ne sais pas, mais là encore l'autorité consulaire saura vous renseigner.
Désignation du représentant: en principe, un notaire espagnol ne se chargera pas de cette tâche. L'idéal serait un avocat, mais je ne vous cache pas que j'ai à l'égard de cette corporation une opinion disons… mitigée. Bien des avocats espagnols, lorsqu'ils ont à faire avec un étranger, se spécialisent surtout dans la rédaction de leurs notes d'honoraires. Je connais bien une avocate espagnole recommandable, et qui plus est parlant français, mais elle est à Lorca, à 150 km. du lieu de votre héritage et je doute qu'elle accepte un tel mandat.
Si vous deviez donc confier ce mandat à un avocat, il conviendra de convenir au préalable et par écrit (lettre de confirmation d'entretien, par exemple) avec cet avocat les objectifs précis et les honoraires de son intervention.
L'affaire se complique un peu au cas où vos parents auraient dû déclarer cet élément de leur fortune auprès de l'autorité fiscale compétente de leur lieu de domicile et auraient oublié de le faire. Il y aura alors probablement lieu de respecter un délai de prescription avant d'entreprendre les démarches ci-dessus, et je vous recommande dans un tel cas de consulter un avocat fiscaliste ou un cabinet comptable compétent.
Finalement, il est un point de détail dont vous devez vous soucier: tout bien immobilier en Espagne est débiteur de petits frais et impôts, tels qu'abonnement au gaz, à l'eau, à l'électricité, frais de co-propriété, taxe communale, etc., représentant rarement des montants importants en regard de la valeur du bien, mais qu'il importe de payer régulièrement. Je vous recommande de vérifier ces "détails", faute de quoi les créanciers de ces sommes risquent de demander un "embargo" (interdiction de disposer) sur le bien en question, pour le montant des créances dues. Et là, les ennuis commencent…
J. Gaillard
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