Publication: 20 mai 2007
Dans deux articles publiés ici, Régularisation d'une propriété acquise par héritages successifs et Liquidation d'une succession depuis l'étranger, j'ai répondu à des questions relatives à des successions. Toutes ces questions auraient pu avoir une réponse plus simple si le propriétaire du bien immobilier hérité en Espagne avait eu la bonne idée de faire un testament.
Je ne commente ci-dessous ni le cas d'une famille aux relations disons… difficiles, ni le cas du souci, légitime, de certains propriétaires de tenter de préserver leur descendance d'appétits fiscaux voraces. (Cette dernière question est partiellement traitée ici: Un Suisse vivant en Espagne peut-il avoir des comptes à l'étranger).
Je commente ici le cas du citoyen lambda: nous ne sommes pas tous millionnaires, même juste un petit million…
Croyants ou non, nous devons reconnaître que nous ne savons ni le jour, ni l'heure. Evidemment, il n'est pas encore temps de nous soucier de ces histoires d'héritage. Bien sûr, j'ai l'intention de passer encore bien des années sur cette planète, et je m'occuperai de ce dossier plus tard. Mais la vie nous réserve bien des surprises… surtout vers la fin.
Faire un testament n'est pas un acte d'altruisme: c'est un acte de responsabilité envers nos proches, auxquels nous souhaitons d'hériter du bien, dont un jour, par la force des choses, nous ne pourrons plus jouir. A partir du moment où soit le bien concerné, soit son propriétaire actuel, soit l' (les) hériter(s) se trouvent dans deux pays distincts, le problème de l'héritage peut se résoudre de deux manières différentes.
La première possibilité est de laisser ses héritiers se "dépatouiller" avec les accords internationaux réglant les problèmes d'héritage, déterminer quelle convention s'applique, interpréter le contenu souvent complexe et requérant des connaissances juridiques de la convention en question, etc. Cela prend du temps, de l'énergie et il arrive même qu'en fin de parcours, ce soit l'héritier de votre héritier qui doive prendre la relève, recommençant du même coup le parcours du combattant. Est-ce cela que vous souhaitez à vos proches ?
S'agissant de la convention applicable, il faut savoir que l'Espagne a très peu de conventions tendant à éviter la double imposition en matière successorale. Elle en a une avec la France, mais pas avec de nombreux autres pays européens.
Si vous souhaitez faciliter la vie de vos proches après votre départ, et si vous êtes propriétaire en Espagne, vous pouvez rédiger un testament, et il faut le faire auprès d'un notaire espagnol. Ce n'est pas onéreux (70 à 80 euros), et vous trouverez toujours un notaire qui parle votre langue. Dans certaines circonstances (incapacité civile par exemple), la présence de deux témoins pourra être requise.
Le notaire notifiera ensuite l'existence de votre testament auprès de l'"Office Central des Dernières Volontés" à Madrid, et ce document ne pourra plus se perdre. Cet office est consulté chaque fois qu'une succession doit produire ses effets en Espagne, fût-ce pour délivrer un "certificat négatif de dernières volontés" (le certificat de ce que quelque chose n'existe pas est un document fréquemment requis par la législation espagnole).
Vous aurez bien sûr la possibilité de modifier votre testament au cas où vous changeriez de décision. Vous avez même le droit de décider que votre succession devra se dérouler en respect de la législation d'un pays tiers, mais là, vous ramenez vos héritiers sur le parcours du combattant décrit plus haut.
Par la suite, le moment venu, les héritiers n'auront plus qu'à prouver le décès du testateur en la forme prévue par le droit espagnol pour se voir reconnaître dans leurs droits de propriétaires par le registre foncier espagnol du lieu de situation du bien. C'est beaucoup plus facile, et vous leur aurez grandement simplifié la vie.
Le testament décrit ci-dessus est le "testament ouvert". Il existe deux autres formes de testament en Espagne, le "testament fermé", dans le cadre duquel le testateur remet au notaire une enveloppe fermée en certifiant au notaire que le contenu est bien de la main du testateur, et le testament "olographe", rédigé de la main même du testateur, qui doit être remis à un juge après le décès; le juge décidera alors de la validité du testament et en ordonnera l'exécution. Mais, en dehors de toute bisbille familiale, la procédure du "testament ouvert" est en Espagne la plus simple et la plus courante.
Au demeurant je le répète, la rédaction d'un testament n'est pas recommandée que dans le cas où vous possédez un bien immobilier en Espagne. Le conseil est aussi valable pour tout autre pays tiers, ou dans le cas où vous y possédez des intérêts immobilisés (participation dans des sociétés par exemple).
J. Gaillard